Les maires Salia Sanou, Zakaria Sawadogo, Basile Kaboré, Pascal Ouédraogo, les ministres Jérôme Bougma, Jean-Bertin Ouédraogo, et récemment Eddie Komboigo, président du CDP, et Fatoumata Thérèse Diawara sont tous libres, provisoirement. Ils étaient pour l’essentiel, inculpés dans la cadre du coup d’Etat. Incompréhension de l’opinion publique qui voit derrière ces libérations tous azimuts, la main du gouvernement. L’exécutif, lui s’en défend. Brandissant le principe de la séparation des pouvoirs. Le ministre de la justice, René Bogoro était justement à la barre en milieu de matinée ce 31 mai 2016, pour s’expliquer, face aux journalistes.

D’entrée de jeu, le ministre René Bagoro souligne qu’il n’est pas coutume pour l’actuel gouvernement de s’exprimer sur les questions judiciaires, au nom de la séparation des pouvoirs. Et si lui, garde des sceaux anime une conférence pour se prononcer sur certaines questions, c’est parce que l’actualité le commande. En plus, « nonobstant le principe de séparation des pouvoirs que les populations ont appelé de leurs vœux, le gouvernement continue d’être interpelé sur ces questions ».

Depuis quelques temps, devant les juridictions civiles, ou devant le tribunal militaire, des décisions de mise en liberté provisoire ont été prises au profit de certains détenus, notamment des responsables du régime déchu.

Et le ministre dit lire dans la presse, sur les réseaux sociaux que les gens ne comprennent pas et mettent en cause le gouvernement. Des commentaires « soit pour dire qu’il y a une sorte de deal entre le gouvernement actuel et les personnes détenues, soit pour dire qu’il y aurait une interférence du régime dans le rendu des décisions ».

René Bagoro coupe court et rassure la population. « Il n’est pas dans l’intention du gouvernement de remettre en cause les acquis de l’insurrection, notamment en ce qui concerne la justice. Le stade actuel de l’indépendance de la justice est un des acquis de l’insurrection ».

L’indépendance de la justice a longtemps été souhaitée et réclamée, elle est maintenant réelle, avec tout ce qu’elle implique, selon le ministre de la justice. « Il faut que les populations aussi admettent que cette indépendance a des conséquences ; qui peuvent plaire ou ne pas plaire. L’une des conséquences, c’est que le juge étant indépendant, il rend ses décisions en son âme et conscience au regard des faits dont il dispose, et au regard des arguments que les parties invoquent devant lui.

Autant il y a des procédures qui permettent de détenir quelqu’un, autant cette personne a la possibilité à tout moment, à toute étape de la procédure, de demander sa mise en liberté provisoire. Soit parce qu’il estime que sa détention a duré ou que le dossier est suffisamment avancé ou pour des raisons de santé (…). Les textes permettent au juge d’apprécier pour voir si les arguments avancés sont fondés ».


Et à en croire les conférenciers, ce sont les raisons de santé qui ont amené le juge à accorder des libertés provisoires à la plupart des responsables. Les maires Salia Sanou, Zakaria Sawadogo, Basile Kaboré, Pascal Ouédraogo, les ministres Jérôme Bougma, Jean-Bertin Ouédraogo, et récemment Eddie Komboigo, le président du CDP, et Fatoumata Thérèse Diawara, « ont tous présenté devant le juge, des certificats médicaux. Et certains des rapports d’expertise médicaux tendent à démontrer que leur état de santé est incompatible avec le statut de détenus » a indiqué le ministre pour qui, c’est certainement au regard de ces éléments que le juge a souverainement décidé de mettre ces détenus en liberté provisoirement.

Foi du ministre, l’exécutif n’est donc pas mêlé ni de près, ni de loin aux décisions des juges qui travaillent en toute indépendance, sans interférence du pouvoir. Tout comme une certaine partie de l’opinion, certaines décisions du juge ne rencontrent pas forcément l’assentiment de l’exécutif, mais, il accepte ; selon le conférencier. « Il y a des décisions qui sont prises, qui ne plaisent pas forcément au régime aussi, mais parce que nous respectons l’indépendance de la justice, nous en prenons acte et nous les respectons. »

Nous avons à assurer la sécurité de ce pays, et au regard du rôle que certaines personnes ont joué par rapport à la déstabilisation de notre pays, ce n’est pas de gaieté de cœur que nous constatons que certaines personnes se retrouvent dehors. Nous en prenons acte, même si ça nous fait mal », a poursuivi René Bagoro qui a appelé à ne pas prendre son souhait comme étant une réalité juridique.

« Pour beaucoup, ce qu’ils pensent être normal, tant qu’on ne prend pas une décision dans ce sens, ils en concluent que le droit n’a pas été dit. Mais quand une décision de justice est prise dans le sens de ce qu’ils souhaitent, ils en concluent que le droit a été dit » et il faut changer cette façon de voir les décisions de justice, a-t-il prôné.

Le ministre de la justice a par ailleurs souhaité, tout en respectant la séparation des pouvoirs, que les décisions de justice qui sont prises tiennent compte et du droit, mais aussi de l’intérêt supérieur de la nation.

Sinon, certains dossiers comme celui du coup d’Etat avance, a rassuré le ministre. Et d’ici la fin de l’année, le dossier va être jugé, promet le ministre.

Tiga Cheick Sawadogo (tigacheick@hotmail.fr)

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Source: LeFaso.net