C’était la première fois qu’il foulait le sol du pays des Hommes intègres, en 2019. Il tenait avant tout à rendre hommage au capitaine Sankara. Les larmes qu’il versait au Conseil de l’entente, le lieu de l’assassinat de Thomas Isidore Sankara, ne suffisaient toujours pas. Il lui fallait nécessairement rendre hommage au leader de la révolution burkinabè, autrement. Et, pour lui, en se rendant sur sa tombe, à Dagnoén, c’était l’ultime façon « de communier avec le révolutionnaire », d’août 1983, comme lui-même se le murmurait. Il s’est agenouillé, et a pleuré sur le sépulcre du capitaine Sankara ; c’était pour lui « un pèlerinage ». Comme s’il en fallait plus, il se promettait, les larmes aux yeux, accroupi devant l’effigie de Thomas Sankara, le lieu même de sa mort, de « lui bâtir un monument. Un monument de l’un des plus grands visionnaires d’Afrique, qui l’établira comme l’origine de l’initiative de la Grande muraille verte pour le Sahel ». Un projet qui veut reboiser, développer toute la bande sahélienne. Un an après (18 mai 2019 au 18 mai 2020), le rêve de l’écrivain irlandais Don Bosco Mullan, demeure. Mais, il ne réalisera plus dans un grand carrefour de Ouagadougou, mais à Addis-Ababa, au siège de l’Union africaine.

Dans une correspondance adressée à son ami, un journaliste burkinabè, dont nous avons obtenu copie, l’écrivain irlandais Don Bosco Mullan écrit : « Je voudrais que tu prennes contact avec la famille de Thomas Sankara, pour obtenir sa permission et sa coopération dans l’idée de bâtir un monument. Un monument de l’un des plus grands visionnaires d’Afrique ».

Cette correspondance fait suite à un premier écrit en 2019, dans lequel l’écrivain Don Bosco Mullan manifestait son désir de construire un monument en hommage au capitaine Sankara, dans une grande rue de Ouagadougou. En effet, alors qu’il était en mai 2019 dans la capitale burkinabè, au contact de certaines autorités politiques et religieuses, Don Bosco Mullan ne manquait pas de répéter : « La mise en œuvre de l’idéologie sankariste pouvait allier le développement économique, écologique, social et humain de façon harmonieuse pour l’Afrique ».

Des projets sociaux tels que l’agriculture, l’industrie locale, la consommation des produits locaux, l’autonomie des femmes, etc., réalisés sur le modèle sankariste, il en parlait à chaque conversation. C’est le même Don Bosco Mullan, à la 3e Assemblée plénière des évêques de l’Afrique de l’Ouest à Ouagadougou, qui invitait le clergé africain à user « des valeurs africaines pour l’éducation de la jeunesse ».

Venu de l’autre côté de l’atlantique, l’Irlandais Don Bosco Mullan voulait avant tout livrer son message au clergé africain. Sa conférence orientée sur le développement de l’Afrique et la protection de l’environnement était tirée du projet continental « l’initiative de la Grande muraille verte pour le Sahel ». Un projet qui veut reboiser tout le Sahel, faire de cet espace désertique un lieu verdoyant, une plaque tournante de l’Afrique de demain. Mais aussi, un centre forestier qui pourrait garantir la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique.

C’est bien à ce niveau que l’idéologie protectrice de l’environnement sankariste rejoint la vision de Don Bosco Mullan. Parlant de ce sujet, avec les poings serrés, on pouvait l’entendre dire : « Je suis venu rendre hommage à Thomas Isidore Sankara, un révolutionnaire, un visionnaire, un combattant de la liberté, un intègre et un homme qui a cru en l’Africain ».

Et quand il parle de l’Afrique, il pense qu’on peut la développer à travers la mise en œuvre des idées de Sankara. Lorsqu’il fait référence aux pages sombres de l’histoire de l’Afrique, notamment de l’esclavage, la colonisation, etc., c’était comme s’il parlait de l’Irlande, son pays natal ; ce pays qui connut jadis la domination britannique, avant de s’affranchir par la lutte de son peuple. Tout comme un leitmotiv, il se répétait toujours : « C’est la lutte libère, non une lutte par les armes, mais une lutte intellectuelle, de formation, de prise de conscience et de référence aux visionnaires ».

Homme rapide, toujours pressé, regard baladeur comme s’il guettait une opportunité à saisir, Don Bosco Mullan a démontré qu’il était capable de braver toutes sortes de défis. Au moment où des chancelleries occidentales conseillaient à leurs ressortissants d’éviter les pays du Sahel, à cause de la situation sécuritaire, Don Bosco Mullan les voyait comme « des pays pleins d’opportunités et de futur ».

Contre tout paradigme, l’écrivain Don Bosco Mullan, auteur de « Saint Patrick », dit voir le Burkina Faso avec optimisme. Quand il regarde le pays des Hommes intègres, il le voit sous les lentilles de Sankara. Et lorsqu’il parle du peuple burkinabè, il pense qu’il devrait s’identifier au discours de Thomas Sankara. Et pour les politiques, il suggère d’appliquer « l’idéologie sankariste dans son intégralité ».

Comme pour conforter sa position, il soutenait : « Ici, on peut tout faire ; ici, il y a des ressources économiques, naturelles, humaines abondantes ». Epris des valeurs humaines et écologistes, Don Bosco Mullan, à travers l’Initiative de la grande muraille verte pour le Sahel (IGMVS), veut mobiliser des fonds pour le Burkina Faso et les pays sahéliens. Il veut lancer des projets, créer des opportunités pour les femmes ; créer l’emploi pour les jeunes, sauver la nature par les arbres. Cela, à travers les idées de Thomas Sankara.

Un an après son premier passage sur le sol burkinabè, son rêve continue de bruler comme du feu sans flamme. Il l’active en silence par ses gestes et ses mots. C’est ainsi que dans une correspondance adressée à son ami, il dira, lorsqu’il parle de Thomas Sankara : « Ce monument le dépeindra dans une position de plantation d’arbres aux côtés d’une jeune fille burkinabè, preuve de sa clairvoyance sur la protection de l’environnement, de son respect pour le leadership féminin et sa croyance en la renaissance de l’Afrique à travers sa jeunesse et ses futures générations ».

Alors que le coronavirus et ses conséquences de fermeture de frontières bloquent les déplacements des humains, Don Bosco Mullan continue de rêver à « rendre hommage à son idole ». D’ailleurs, il appelait Thomas Sankara « un Messie pour l’Afrique ». Fort de cette conviction, il écrira à son ami : « Ma pensée est de donner ce monument de Thomas Sankara à l’Union africaine (UA) pour qu’on l’implante dans le quartier général d’Addis-Abeba ».

Aujourd’hui, plus de 87 jours après sa venue au Burkina Faso, l’écrivain Don Bosco Mullan croit dur en ses idées, et n’hésite pas à se les rappeler. Après avoir versé des larmes pour le capitaine Sankara, invité à l’appropriation de la « pensée sankariste » et exprimé sa foi en la réalisation de l’Initiative de la grande muraille verte pour le Sahel, Don Bosco Mullan attend l’autorisation de la famille du capitaine Sankara pour la construction d’un monument en hommage à Thomas Sankara, à Addis-Abeba.

Certes, le nom de Thomas Isidore Sankara est écrit dans les annales de l’histoire contemporaine et future de l’Afrique et du monde en lutte pour la liberté ; mais son monument n’est encore guère bâti dans les contrées des peuples qui aspirent à la liberté, pour qu’il serve de lumière.

Alors que les bouleversements du monde actuel demandent le déboulement des statuts de ceux qui furent jadis la négation des libertés humaines, l’heure est désormais sonnée pour le Burkina Faso, l’Afrique et tous les terriens épris de la liberté des peuples, de bâtir des murailles éternelles pour ceux qui furent jadis au-devant des mêmes luttes et sur les cendres de l’oppression.

Edouard Kamboissoa Samboé

(samboeedouard@gmail.com)

Lefaso.net

Source: LeFaso.net