Déçu par le faible rendement de ses champs de riz, Hamado Dabré s’est reconverti dans la culture de la banane à Bagré, après un long séjour passé à l’étranger. Aujourd’hui, le quadragénaire gagne bien sa vie et ne le cache pas. « Etre et travailler chez soi est la meilleure garantie que tout homme puisse avoir », se convainc Hamado Dabré. Nous l’avons rencontré, le 12 mars 2021, dans son champ de quatre hectares, qu’il exploite avec ses quatre épouses.

Après avoir bourlingué au Ghana puis en Côte d’Ivoire, dans les bananeraies, Hamado Dabré rentre au pays. Plutôt que poursuivre la production du riz qu’il avait expérimentée sept ans auparavant, sans succès, sur les berges du fleuve Nakanbé, il décide de se convertir dans la production de la banane.

Selon Hamado Dabré, un régime de bananes peut peser 35 kg

Des pertes au regroupement

Mais sa première expérience sera de courte durée. Son champ sera détruit par les inondations dues à l’ouverture des vannes du barrage de Bagré, par la Société nationale d’électricité du Burkina, pour sauver la digue du barrage qui menaçait de céder à cause du trop-plein d’eau. Hamado Badré n’était pas le seul producteur à avoir subi des pertes.

« Nous avons demandé à la Maitrise d’ouvrage de Bagré (http://www.bagrepole.bf/qui-sommes-nous/historique/) de nous aider à obtenir un terrain pour poursuivre la production de la banane. Ils nous ont dit de nous réunir en groupement. Nous l’avons fait. Ils nous ont donné un terrain de 70 hectares. Certains ont demandé trois hectares, d’autres quatre hectares. Moi, j’ai obtenu quatre hectares », se souvient Hamado Dabré.

Hamado Dabré est membre du groupement Sougr-nooma

Retrait de la garantie

Pour l’exploitation de la superficie, les producteurs décident de prendre un crédit dans une banque de la place. « La banque nous a demandé d’apporter chacun une garantie d’un million de francs CFA. « Celui qui apporte un million, bénéficie d’un prêt de quatre millions. Nous avons apporté la somme demandée, mais nous avons poursuivi le dossier pendant un an, sans obtenir gain de cause. Nous avons donc retiré notre argent », explique le producteur.

Le groupement exploite une superficie de 70 hectares

Un client solvable

Au regard de la modeste somme en leur possession, les producteurs, sur conseil de Bagrépôle, commencent à exploiter 25 hectares et demi sur les 70 hectares obtenus. « Au bout d’un an, nous avons eu un bon rendement et nous avons commencé à exploiter toute la superficie. En ce qui me concerne, j’ai commencé à exploiter un demi hectare. Et avec les bénéfices engrangés, j’ai pu étendre ma production, au bout de trois ans, sur les quatre hectares que j’ai obtenus ».

Alors que le groupement Sougr-nooma prenait son envol, il bénéficiera de l’appui de la Coopérative d’épargne et de crédit (COOPEC) de Manga. Un crédit de 25 millions qu’il réussit à rembourser en seulement sept mois au lieu de huit mois. Jugé solvable, le groupement obtient de nouveau un prêt de 35 millions de francs CFA, à rembourser au bout de dix mois. Mais en neuf mois, il réussit la prouesse de régler sa dette.

A proximité de sa bananeraie, M. Dabré cultive également du maïs, de l’arachide et de la tomate

Une activité rentable

« Sur un hectare, je peux produire 35 tonnes. Le kilo de banane est vendu souvent à 150 francs CFA. Un régime de banane peut atteindre 35 Kg. Vous voyez que la banane est très rentable. Pour espérer avoir des bénéfices dans la production du riz, il faut cultiver au moins quatre hectares de riz. On ne gagne rien en cultivant juste un ou deux hectares. Alors qu’avec la banane, j’ai réussi à scolariser tous mes enfants. J’emploie huit manœuvres payés à 20 000 F CFA le mois. Avec l’argent de la banane, j’ai également acheté un terrain de 4 millions de francs CFA à Ouagadougou, où j’ai construit une mini villa », confie Hamado Dabré.

Les producteurs sont en quête d’une variété plus résistante

Difficultés

Derrière ce beau tableau, se cachent des calculs et souvent des insomnies. Selon Hamado Dabré, les producteurs doivent faire face à l’insuffisance de main d’œuvre dans la localité. Les jeunes étant occupés sur les sites d’orpaillage.

Aussi, la production de la banane, au-delà de l’insuffisance de l’intérêt porté par les institutions de microfinance, nécessite une grande attention et un suivi régulier des plants. Face aux multiples maladies telles que la jaunisse fusarienne qui réduit la production des bananiers, les producteurs prévoient l’introduction d’une variété française plus résistante. En attendant, la parade trouvée est de sélectionner et planter des rejets autour de pieds mères, indemnes de maladies et en phase végétative.

Selon Hamado Dabré « Etre et travailler chez soi est la meilleure garantie que tout homme puisse avoir »

« La meilleure garantie »

Malgré les difficultés qui s’imposent aux producteurs, Hamado Dabré confesse avoir refusé de partir à l’aventure en Italie. « Il n’y a rien à l’étranger. Même si un étudiant revient au pays et touche deux millions par mois, il ne pourra pas réaliser ce que je fais. Etre et travailler chez soi est la meilleure garantie que tout homme puisse avoir », se convainc Hamado Dabré.

Son exemple prouve à souhait que la terre ne fait pas semblant, ou du moins, elle ne ment pas. Pour peu qu’il y ait de l’eau, de la volonté, du savoir et un peu d’argent. Ainsi, vous aurez toujours la banane.

HFB

Lefaso.net

Source: LeFaso.net