Selon le Pr Charlemagne Ouédraogo, gynécologue obstétricien, les hémorragies post-partum sont la première cause de décès maternels au Burkina Faso depuis 40 ans. Dans cette interview, il donne les causes et les actions à mener pour réduire drastiquement les décès liés aux hémorragies du post-partum.
Lefaso.net : Quelles peuvent être les causes des hémorragies post-partum ?
Pr Charlemagne Ouédraogo : Les hémorragies ont plusieurs causes. Parmi ces causes, il y a l’hémorragie de la délivrance. Ce sont les saignements qui surviennent après l’accouchement lorsque le placenta est sorti. La zone où le placenta était peut se mettre à saigner sans arrêt. Il y a les déchirures du corps de la femme durant la sortie de l’enfant. Ces déchirures peuvent concerner différentes parties. Cela peut être le col de l’utérus. C’est par là que l’enfant sort, cela peut concerner le vagin et son périnée. Toutes ces parties peuvent se déchirer et se mettre à saigner sans arrêt et si rien n’est fait la femme peut mourir en se vidant de son sang. Ce sont les causes des hémorragies du post-partum. Nous avons un certain nombre d’interventions que nous faisons depuis quarante ans. Nous avons des médicaments que nous utilisons depuis quarante ans et qui ont atteint presque la saturation de leurs capacités à faire disparaître les décès dus à ces hémorragies.
Quelles sont les actions à mener pour réduire drastiquement la mortalité maternelle due aux hémorragies du post-partum ?
Aujourd’hui, c’est d’apporter des éléments nouveaux. Nous avons plusieurs choses à faire dans les innovations. Nous avons de nouveaux médicaments qui existent. Ces nouveaux médicaments peuvent permettre à l’utérus de se rétracter rapidement et d’arrêter de saigner. Nous n’avons pas encore ces médicaments dans nos pharmacies hospitalières. Au nombre de ces médicaments, il y a la Carbétocine et d’autres. Nous souhaitons que le gouvernement puisse nous permettre d’avoir ces nouveaux médicaments et les disponibiliser dans toutes les formations sanitaires. Ce sont des médicaments qui résistent à la chaleur et qui n’ont pas besoin de chaîne de froid. Donc, dans les zones à haut défi sécuritaire on peut utiliser ces médicaments sans soucis et avec efficacité. Il y a également des choses qu’il faut faire, c’est d’avoir des sacs d’évaluation.
Quand une femme finit d’accoucher, il y a un saignement normal qui ne dépasse pas un demi litre. Quand ça dépasse un demi litre ce n’est pas bon. Aussi, ça peut ne pas dépasser un demi litre et entraîner des problèmes parce que la femme à accouché pendant qu’elle était anémiée. Donc pour pouvoir surveiller les saignements, il faut avoir un dispositif qu’on appelle le sac d’évaluation. Ces sacs d’évaluation ne coûtent pas chers. Le gouvernement peut s’engager et nous permettre d’avoir ces sacs d’évaluation parce que quand la femme saigne sur ses pagnes, on ne peut évaluer la quantité de sang qu’elle perd. Alors qu’avec le sac d’évaluation, on arrive à évaluer la quantité du sang et ça permet de prendre en charge tout de suite la femme afin que la situation ne se complique pas.
Ce sont des innovations de ce genre que nous demandons au gouvernement. Nous lui demandons de renforcer ce qu’il faisait avant notamment le budget alloué au secteur de la santé, la gratuité des soins, les différentes politiques incitatives qui permettent d’utiliser les services de santé telle que la gratuité des soins, le renforcement du parc automobile à travers le SAMU pour transférer gratuitement les femmes qui ont des difficultés au cours de l’accouchement ou après l’accouchement. C’est à la portée du gouvernement et du peuple burkinabè. Nous devons faire en sorte qu’aucune de nos femmes ne meurt de saignement après son accouchement.
Qu’est ce qui explique le fait que les nouveaux médicaments contre les hémorragies du post-partum ne sont pas disponibles encore au Burkina Faso ?
Le ministère de la Santé a déjà pris des engagements avec des procédures pour rendre disponibles ces médicaments. Cependant, nous allons adresser un plaidoyer au gouvernement pour soutenir l’action du ministère de la Santé.
Est-ce que ces médicaments et sacs d’évaluation n’auront pas un coût élevé ?
Non, tout cela fera partie de la gratuité des soins. Nous demandons au gouvernement que cela entre dans le paquet de gratuité qui est un engagement salutaire du gouvernement depuis 2016 pour apporter un soutien aux femmes et lutter contre la mortalité maternelle.
Interview réalisée par Rama Diallo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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