Ce 5 juin 2025, un séminaire scientifique s’est tenu à l’Institut national des sciences des sociétés sous le thème « Gouvernance politique au Burkina Faso : enseignements des coups d’État et de la chefferie traditionnelle ». À l’occasion, Dr Harouna Ouattara, chercheur en histoire africaine à l’INSS, a livré une communication sur le thème « Les types de chefferie dans la société Viewo du XIIe à la fin du XIXe siècle ».

La communauté Viewo ou Vigué est un groupe social de l’Ouest du Burkina Faso, qui vit dans la commune de Karangasso-Vigué. Des propos du Dr Harouna Ouattara, l’on peut retenir que la communauté a une organisation politique dans laquelle il y a un chef au niveau de l’État Viewo mais aussi des chefs de villages, des chefs de terre et des chefs de lignage. Le chef de l’État Viewo porte le nom de « Kiédjelo ». Il exerce son pouvoir en collaboration avec les différents chefs de village. Dans cette chefferie, la succession s’effectue entre deux Mabars, c’est-à-dire deux patrilignages en ligne agnatique. À la mort du chef, c’est le doyen de l’un des deux lignages qui est intronisé comme successeur du défunt.

Dr Harouna Ouattara indique que, dans la période précoloniale, les fonctions du Kiédjolo étaient la protection de la communauté viéwo contre les ennemis, le règlement des conflits intra- et inter-villages et le jugement en dernier ressort des crimes de sang, de vols et autres délits (rafles de femmes, sorcellerie…). « Il était aussi l’ordonnateur des razzias. Cela signifie que le Kiédjolo dans cette société était le garant de l’intégrité territoriale du pays viéwo, de la protection des Viévons et le juge suprême », précise-t-il.

Il fait noter également qu’en matière de pouvoir, c’est le chef de l’État Viewo qui a les pleins pouvoirs. Et en cas de problème ou de difficulté à résoudre, le chef de l’État fait face à la situation, de concert avec les chefs de villages. À côté du chef de l’État, il y a le chef de matrilignage qui a compétence sur l’espace Viewo et s’occupe des problèmes de son clan.

En ce qui concerne le lignage, il y a ce qu’on appelle le patrilignage et le matrilignage. Le patrilignage est le regroupement sous l’angle de la descendance du papa aux enfants, et le matrilignage, la descendance de la maman aux enfants. L’association des matrilignages donne mieux à des matriclans et l’association des patrilignages à des patriclans.

Pour ce qui est de la chefferie au niveau des villages, Dr Ouattara distingue deux types de chefferies : la chefferie traditionnelle et celle administrative. Il indique que la chefferie administrative avait été instituée par le colonisateur et transmise de père en fils et que ceux-ci devaient exécuter les tâches et les ordres émanant du gouverneur. Le chef traditionnel s’appelle « Diéri-okie » en viémon. La source du pouvoir au niveau de l’espace villageois était basée sur le principe du droit d’aînesse au sein de la famille fondatrice du village. Le chef était choisi par primogéniture entre deux ou trois familles selon les villages. Et c’était le doyen d’âge de ces familles qui était élu. Il a une compétence qui s’exerce sur le territoire villageois. Ses fonctions sont à la fois politiques et socio-spirituelles.

L’une des particularités de cette communauté, c’est la décentralisation du pouvoir. « Le chef ne règne pas de façon absolue. Il existe une gestion participative et, lorsque survient un problème, il fait appel aux chefs de villages et chacun a son mot à dire. Quand le chef de L’État convoque les chefs du village, c’est le plus petit, en terme d’âge, qui donne en premier son point de vue, et ainsi de suite. On permet ainsi à chacun d’exprimer son point de vue de façon libre », explique Dr Harouna Ouattara.

Il ajoute que l’autre particularité de la communauté Viewo est que la femme peut également prétendre à la chefferie, notamment à la chefferie du matriclan. Et si le matriclan possède des terres, les femmes peuvent également gérer ces terres, ce qui n’est pas le cas dans d’autres communautés.

Armelle Ouédraogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net