Le Programme d’entrepreneuriat communautaire a été lancé le 12 août 2023. Dans la foulée, le gouvernement a créé l’Agence pour la promotion de l’entrepreneuriat communautaire (APEC). Elle a, à sa charge, la mise en œuvre du programme. A travers cette agence, le Burkina Faso, sous le leadership du chef de la transition, veut promouvoir la création d’entreprises communautaires dont le seul promoteur est le peuple burkinabè. Près d’un mois après son lancement, nous sommes allés à la rencontre du directeur général de l’APEC, Karim Traoré. Au cours de cet entretien, M. Traoré est revenu sur comment souscrire, le nombre de fois qu’on peut souscrire, le rôle que peut jouer le Pr Laurent Bado dans la mise en œuvre de ce projet présidentiel, entre autres. Lisez plutôt !
Lefaso.net : Qu’est-ce que le programme d’entrepreneuriat communautaire ?
Karim Traoré : Le programme d’entrepreneuriat communautaire est un outil de relance économique voulu par le chef de l’Etat, en traduction de sa vision du développement endogène et inclusif. Il s’agit tout simplement de mobiliser la population burkinabè autour de projets structurants où ils sont finalement leurs propres bailleurs de fonds.
Quelles sont les ambitions de ce programme ?
Le programme ambitionne effectivement d’investir massivement dans les secteurs de la transformation et de la création de richesses au profit des Burkinabè. Le programme voudrait investir massivement dans l’agriculture qui est un secteur très stratégique pour notre pays quand on regarde le taux de Burkinabè qui vivent en milieu rural et qui vivent de l’agriculture. Il faut noter qu’avec la crise internationale qu’on a connue, aujourd’hui la question de la sécurité alimentaire est devenue une question primordiale.
C’est-à-dire, pouvoir produire suffisamment pour se nourrir. Nous avons aussi l’ambition d’investir dans un secteur stratégique comme les mines pour permettre aux Burkinabè de pouvoir s’approprier ces secteurs hautement stratégiques. Vous conviendrez avec moi qu’aujourd’hui, il n’y a qu’une seule mine qui a des actionnaires majoritaires Burkinabè.
Ce qui fait qu’on occupe pratiquement 1% du secteur minier, en tout cas autour du 4%, si on veut parler en termes de proportions. Et donc, il s’agit pour nous, d’inverser cette tendance-là et commencer par le semi-mécanisation des exploitations. Nous intervenons aussi dans le secteur de l’agroalimentaire pour faire en sorte de pouvoir créer des unités industrielles de transformation de nos matières premières plutôt que de les vendre brutes sur le marché, pour donner l’opportunité de création d’emplois et de richesses.
Nous sommes aussi investisseurs dans le secteur du textile qui est aussi l’une des principales matières produites aux Burkina même si nous avons reculé en termes de production. Elle reste encore un produit important à l’exportation et créateur des devises. Donc, aujourd’hui, nos investissements vont être orientés aussi sur le textile. Voilà, grosso modo, les secteurs dans lesquels nous investissons aujourd’hui.
Est-ce qu’il y a de l’adhésion depuis son lancement le 12 août ?
Depuis le lancement le 12 août 2023, nous enregistrons des adhésions massives et nous sommes très satisfaits de la tendance. Connaissant la psychologie du Burkinabè et son habitude de consommation, il faut être patient avec lui. Il souhaite voir avant de croire. Donc il adhère prudemment. Le temps pour nous de faire nos preuves, de le convaincre avant d’avoir certainement des volumes plus importants. Mais la dynamique est très bonne en termes de nombre d’adhésions.
Justement, en termes de nombre, nous sommes à combien d’adhésion sur le plan national ?
Je ne vais pas vous donner un nombre absolu mais plutôt des tendances. Nous avons commencé avec 50 à 100 personnes/jour depuis le 12 août. Actuellement, depuis le début de cette semaine, nous sommes au-delà de 1 000 adhésions par jour sur le plan national. La tendance actuelle, c’est entre 1 000 adhésions par moment, 1 200, 1 300.
Comment se fait la souscription ?
Nous avons mis des moyens de souscription en place. Il faut noter que nous n’avons pas de guichet cash. Nous ne prenons pas directement les espèces avec les gens. Aujourd’hui, lorsque vous voulez prendre une part sociale, ce qu’on appelle capital dans le privé, afin, ce qu’on appelle donc action dans le privé, vous devez d’abord adhérer au programme. Parce que, le programme est porté par le modèle de « société coopérative ».
Donc, vous adhérez d’abord au programme à 5 000 francs CFA et chaque part sociale appelée action coûte 10 000 francs CFA. Vous avez la latitude de prendre autant de parts que vos moyens vous le permettent. Et pour adhérer, nous avons mis en place un numéro Orange Money, un numéro Move Money, un numéro Coris Money, un compte Trésor, un compte à la Banque Agricole et un compte BCB. Les équipes sont en travaux pour valider aussi un compte au niveau de la Poste du Burkina Faso. Cela va nous mettre à disposition un large réseau de distribution.
Est-ce que vous pouvez revenir de manière plus détaillé sur le nombre de fois qu’un actionneur peut souscrire ?
Alors ce qui se passe, c’est que vous entrez dans le programme une fois pour toutes. Quand vous payez les 5 000 francs CFA, vous ne payez plus les droits d’adhésion. Ces droits-là sont non remboursables. Maintenant, pour les parts sociales, nous procédons par vagues, c’est-à-dire par campagnes. La présente campagne par exemple est prévue pour le premier bilan à fin septembre. Donc jusqu’à fin septembre, chaque jour que vous avez 10 000, 100 000, 1 million, vous avez la possibilité de venir augmenter vos parts sociales. Donc il n’y a pas de nombre limité pour la souscription aux parts sociales.
On sait que chaque région a ses potentialités. Est-ce que vous pouvez revenir sur les potentialités par régions sur lesquelles l’actionnariat communautaire compte se focaliser ?
Le gouvernement, à travers le ministère du Commerce, a fait un travail formidable de diagnostic sur les potentialités des 13 régions du Burkina Faso. Ce programme qu’ils ont appelé « One District, One Factory », a consisté effectivement à identifier le potentiel de développement en termes d’industrie de chaque région et de mobiliser les fonds pour réaliser par région ou par province, une unité industrielle qui puisse capter la matière première et la produire, et qui puisse créer des emplois pour la jeunesse. Et donc aujourd’hui, véritablement, nous savons que la tomate est produite dans le grand Ouest et aussi au Centre-Est.
C’est ce qui a orienté nos choix de mettre des unités de transformation de la tomate dans ces deux zones-là. Pour l’or, il va de soi qu’on ne peut pas construire une mine d’exploitation aurifère quelque part s’il n’y a pas le potentiel qui est révélé. Les régions du Sud-ouest et de la Boucle du Mouhoun ont du potentiel. Et donc l’idée à terme, c’est de prospecter les potentialités de chaque région et de réaliser un investissement structurant en termes d’industrie, de production ou de transformation dans ces zones-là.
Dès que les industries seront en place, à quel moment on peut entrer en possession de ses parts de bénéfices ?
Notre modèle repose d’abord sur un modèle socio-économique orienté vers la création des valeurs ajoutées, sociales. Donc, le retour sur investissement, même si bien sûr, ça reste effectivement un élément important. Lorsque nous partons vers nos potentiels souscripteurs, on leur dit de ne pas comptez sur le rendement financier des 10 000 francs que vous ayez mis. Mettez le maximum possible avec en tête l’opportunité de créer des emplois pour vos jeunes frères, pour vos jeunes sœurs, pour la jeunesse et pour les femmes. Et donc ça, c’est un critère important pour tous les projets que nous explorons.
Nous tentons de mettre le focus sur la capacité de nos investissements à créer des emplois. Deuxièmement, il y a la richesse partagée. Nous sommes d’accord et c’est pour ça que nous disons aux investisseurs, lorsque vous prenez vos parts sociales, nous nous donnons un délai de deux ans pour la mise en œuvre après le début de l’exploitation et la rotation des équipements et l’amortissement des premiers exercices. A partir du troisième exercice, nous sommes contents de pouvoir dégager maintenant des excédents à distribuer aux investisseurs proportionnellement à leur investissement de départ.
Cela veut dire que vous prévoyez des bilans réguliers ?
Exactement. Je ne sais pas si vous parlez de bilan pour les entreprises ou bien pour la mobilisation. Concernant la mobilisation, nous avons prévu effectivement des bilans réguliers. Parce que les grandes orientations du chef de l’État ont été premièrement la transparence, deuxièmement la redevabilité et troisièmement la bonne gouvernance. Donc, sur la question de la transparence et de la redevabilité, nous avons prévu de mettre à la disposition de la population les chiffres de la mobilisation, parce que pour les premiers qui ont mis 10 000, 20 000, si nous mettons beaucoup de temps pour réaliser les entreprises, ils peuvent se poser des questions.
Alors qu’en se limitant justement à 10 000 FCFA, 20 000 FCFA, il nous sera difficile de boucler le financement pour commencer l’investissement. C’est pour cela que la communication est très importante qui nous permet de dire que la tendance est bonne. Nous pourrons déjà commencer la première usine, mais venez augmenter vos parts sociales. Cela nous permet d’aller vers la deuxième usine très rapidement. Nous avons prévu de la faire un premier bilan le 12 septembre 2023. La mobilisation, proprement parler, a mis beaucoup de temps à cause des contraintes administratives qu’on est en train de nous aider à lever au fur et à mesure.
Le programme d’entrepreneuriat communautaire a-t-il une durée de vie ?
C’est un modèle économique, ce n’est pas un programme commercial. Si c’est un modèle économique, alors tant que la population de Burkina Faso y trouvera de l’intérêt, ce sera un programme sans limite.
Vous êtes à la tête d’un programme très ambitieux qui porte l’espoir de tout un peuple. N’avez-vous pas peur de faillir ?
Non. Je pense que nous sommes conscients du défi parce que c’est un outil complémentaire aux autres leviers de développement économique et social qui sont déjà en cours d’exécution dans les différents départements ministériels. Notre outil vient comme un outil transversal qui intervient à peu près dans les différents secteurs stratégiques. Nous sommes donc conscients du défi lorsque vous voyez aujourd’hui la mobilisation des populations. Nous nous devons de relever les défis, de comprendre l’enjeu qui est effectivement adressé à nous, de solliciter toutes les compétences pour nous assurer d’emprunter le bon chemin. C’est pour ça que nous demandons effectivement de la patience aux gens.
Il ne faut pas voir l’investissement communautaire comme un placement. Il ne s’agit pas donc de mettre 10 000 francs et d’attendre pour récolter des intérêts chaque mois. C’est de l’entrepreneuriat. Vous faites des mises. Ici, le programme vous permet d’être interactif et de donner votre opinion, de sorte à orienter ceux qui seront mis au premier rôle à pouvoir s’orienter sur l’atteinte des résultats rapides. Et vous allez récolter maintenant effectivement les résultats en termes financiers.
Lors de votre passage à Koudougou, le ministre d’Etat, Bassolma Bazié a dit, je cite : « le peuple vous regarde ». Cette phrase ne vous a-t-il pas donné des frissons ?
Au passage, nous disons que nous n’avions pas prévu ce niveau de mobilisation à Koudougou. Donc, on n’a pas pu prévoir la place pour tout le monde. Mais quand vous êtes dans une salle comble et que le ministre d’Etat vous adresse effectivement ces propos, bien sûr que ça vous indique l’étendue du défi qui est le vôtre. C’est pour ça que nous essayons effectivement de prendre toutes les critiques, de considérer que ce sont des contributions et de bâtir un modèle qui puisse répondre à la vision du chef d’Etat qui est que véritablement les Burkinabè puissent s’approprier leur économie, leur richesse, transformer leur matière première et créer des emplois à grande échelle pour les jeunes et les femmes.
Quel rôle le Pr Laurent Bado peut-t-il jouer dans la mise en œuvre de ce programme communautaire ?
C’est une grosse contribution à la construction du modèle. Cela fait pratiquement 35 ans qu’il développe le modèle, qu’il essaie de lui donner une vie. L’occasion de la transition a été trop belle pour qu’on ne puisse pas la saisir. C’est pourquoi, comme je l’ai dit, nous souhaitons une co-construction. Nous ne venons pas avec une sorte de science infuse, un modèle déjà conçu. Nous essayons de prendre toutes les contributions intellectuelles et pratiques pour essayer de parfaire le modèle. Donc, le Pr Laurent Bado est une personne ressource qui nous accompagne, qui nous conseille et par moment, lorsque son temps le permet, nous le mobilisons aussi lors de nos activités.
Est-ce que vous avez un appel à lancer ?
L’appel est que, après la souscription du chef de l’Etat le 12 août 2023, la dynamique est en cours. Nous appelons les premiers souscripteurs à venir augmenter leurs parts et aux souscripteurs actuels de ne pas se contenter d’adhérer au programme à 5 000 FCFA. Donc, votre adhésion à la vision ne suffit pas par l’adhésion à 5 000 FCFA. Il faut effectivement prendre des parts sociales, 100 000, 1 500 000 FCFA, etc., en fonction de vos moyens. Et nous disons aussi que les gens ont la possibilité de faire plusieurs souscriptions, effectivement, pour permettre au programme de se réaliser au plus vite.
Propos recueillis par Obissa Juste Mien
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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