Cette lettre ouverte adressée au ministre en charge de l’Administration territoriale émane de Pascal Sawadogo, ingénieur et cadre de banque. C’est un plaidoyer pour une révision des dénominations régionales fondée sur des valeurs révolutionnaires et universelles. Pour l’auteur, au-delà des noms attribués en référence aux ancêtres de quelques groupes, on constate encore la présence d’appellations liées à des fleuves ou à des forêts. Il serait souhaitable, selon lui, de s’affranchir de ces références géographiques ou lignagères, pour adopter des noms porteurs de valeurs communes, mobilisatrices et révolutionnaires, à l’image de l’intégrité qui a inspiré le nom Burkina Faso.

Monsieur le Ministre,

Tout d’abord, je souhaite exprimer mon profond soutien aux combattants qui défendent notre patrie au prix de leur vie, face à l’ennemi terroriste qui frappe notre peuple depuis bientôt dix ans. J’adresse mes sincères condoléances aux familles endeuillées et forme des vœux de prompt rétablissement pour les blessés.

C’est avec une grande fierté que j’ai pris connaissance des nouveaux noms endogènes attribués aux 17 régions de notre pays. Je salue la vision des plus hautes autorités burkinabè, votre engagement et celui de vos équipes, ainsi que l’ensemble des acteurs qui ont contribué à ces travaux.

Cependant, je me permets d’exprimer une inquiétude, motivée par la volonté de préserver notre cohésion sociale et la richesse de notre vivre-ensemble pluriséculaire. Les noms de certaines régions font référence désormais à des groupes ethniques ou d’un ancêtre associé à une seule communauté. Or nos régions sont vastes, habitées par une diversité de populations issues d’histoires parfois douloureuses ou conflictuelles, et ces références pourraient raviver des mémoires encore sensibles. À l’intérieur même d’un groupe ethnique, certains ancêtres ont pu s’opposer par le passé, et les blessures n’ont pas encore totalement cicatrisé.

Je salue sincèrement la volonté de valoriser des noms endogènes, une démarche porteuse de sens et de symbolique. Néanmoins, il aurait été souhaitable d’ouvrir un débat citoyen plus large, afin d’encourager une créativité collective et inclusive.

Nous pourrions utilement nous inspirer de la dénomination même de notre nation, Burkina Faso, qui ne fait référence à aucun groupe ethnique ni à aucun ancêtre, mais incarne des valeurs communes et universelles, capables de rassembler.

Souvenons-nous qu’au moment de la prise de pouvoir par le Capitaine Ibrahim Traoré, le 30 septembre 2022, certaines voix malveillantes avaient tenté de mettre en avant ses origines ethniques. Nous n’avions pas hésité à condamner fermement ces propos, car l’ethnie, la religion ou l’origine n’ont pas leur place dans la gestion des affaires nationales.

Profitons donc de ce nouveau découpage administratif et de l’adoption de nouveaux noms de régions pour réduire le poids des appartenances ethniques. Cela permettra d’éviter, demain, qu’un Burkinabè ne revendique une région au seul motif qu’elle aurait appartenu à ses ancêtres, alors que plusieurs groupes y cohabitent aujourd’hui.

Thomas Sankara, père de la révolution burkinabè, a lui-même abandonné le nom d’un fleuve — la Volta — pour rebaptiser notre pays sur la base d’un idéal : le Burkindi (Intégrité). Cet acte visionnaire s’appuyait sur les valeurs de la révolution : libération, dignité, intégrité, solidarité, autodétermination.

Le gouvernement actuel pourrait s’en inspirer pour repenser la dénomination des nouvelles régions, d’autant plus que le pays est à nouveau engagé dans une dynamique révolutionnaire.

Au-delà des noms attribués en référence aux ancêtres de quelques groupes, on constate encore la présence d’appellations liées à des fleuves ou à des forêts. Il serait souhaitable de s’affranchir de ces références géographiques ou lignagères, pour adopter des noms porteurs de valeurs communes, mobilisatrices et révolutionnaires, à l’image de l’intégrité qui a inspiré le nom Burkina Faso.

Attribuons à chaque région une valeur fondatrice de notre vision révolutionnaire, afin d’adresser un message fort à l’ensemble du territoire. Chaque région, en s’identifiant à cet idéal, contribuera à élever notre patrie vers ses plus hautes aspirations.

Les mots ont un poids, et le président du Faso, le Capitaine Ibrahim Traoré, nous l’a rappelé à plusieurs reprises en illustrant ses discours par des extraits de notre hymne national, le Ditanyè.

Faisons en sorte que les noms de nos régions deviennent de véritables repères pour les générations futures. Ne menons pas une révolution à moitié sur la question des noms endogènes : allons jusqu’au bout, de manière profonde et intégrale, afin que ces appellations survivent à travers les siècles.

Prenons l’exemple du nom Burkina Faso : je ne vois aucun autre président venir le changer, sauf s’il manquait lui-même d’intégrité. Cela prouve qu’un nom bien choisi, porteur de sens et de valeurs, peut traverser le temps et rester un symbole vivant de notre identité collective.

Notre pays est en révolution : une révolution progressiste et populaire, centrée sur la souveraineté du peuple, la promotion des valeurs sociales, la justice et l’émancipation collective. Cette dynamique appelle à dépasser les clivages et à renforcer la cohésion nationale autour d’idéaux supérieurs, partagés par toutes et tous.

À titre de proposition concrète, je soumets en toute humilité à votre réflexion ces 17 valeurs fondamentales, qui pourraient inspirer la dénomination des 17 régions. Ces valeurs, une fois définies collectivement, pourraient être traduites dans n’importe quelle langue nationale (parmi celles reconnues comme langues officielles, voire dans une langue minoritaire), car au-delà de la langue, c’est la valeur qu’elle exprime qui compte.

• Région de l’Intégrité : symbole de la droiture, de la transparence et du refus de la corruption, pilier d’une société juste et exemplaire.

• Région du Courage : terre de bravoure et de détermination, où l’on célèbre la capacité à surmonter ensemble les épreuves.

• Région de la Paix : espace de dialogue, de réconciliation et de coexistence pacifique, pour prévenir durablement les conflits.

• Région de la Justice : lieu où l’équité, l’égalité de traitement et la garantie des droits sont la règle absolue.

• Région de la Solidarité : inspirée par l’entraide, elle vise à unir les efforts pour que personne ne soit laissé pour compte.

• Région de l’Union : rassemble toutes les forces et toutes les communautés autour d’un projet commun, au-delà des différences.

• Région de l’Engagement : honore l’implication de chacun au service de la cause nationale et de la révolution populaire.

• Région de la Dignité : exalte la valeur de la personne humaine, le respect de soi et la fierté d’appartenir au Burkina Faso.

• Région de l’Émancipation : porte la conquête de la liberté, de l’autonomie individuelle et collective.

• Région de la Libération : symbole de la rupture avec toutes les formes de domination, pour une souveraineté réelle.

• Région de la Souveraineté : affirme la pleine indépendance politique, économique et culturelle de notre peuple.

• Région de l’Autodétermination : défend le droit de choisir librement son destin, à l’abri de toute pression extérieure.

• Région de la Résilience : montre la capacité à se relever des crises et à rebondir avec dignité et lucidité.

• Région de la Loyauté : honore la fidélité à la patrie, aux valeurs de la révolution et à l’engagement citoyen.

• Région de la Responsabilité : encourage l’esprit de devoir, la gestion vertueuse des ressources et la participation citoyenne.

• Région de la Cohésion : fait la promotion d’une société unie, solidaire et complémentaire.

• Région du Dévouement : rend hommage au sacrifice et à la disponibilité à servir l’intérêt général au-dessus des intérêts particuliers.

Je suis convaincu qu’une telle approche permettra à chaque citoyenne et citoyen de s’identifier à un idéal commun et de le porter haut, dans un esprit de complémentarité, de solidarité et de respect mutuel. Car ce n’est pas une valeur isolée qui fera la force de notre patrie, mais la synergie de toutes ces valeurs réunies et incarnées par chaque région.

Je vous prie, Monsieur le Ministre, de recevoir mes salutations les plus respectueuses et patriotiques, et de considérer ces suggestions comme une modeste contribution au grand chantier de refondation nationale que vous conduisez.

La patrie ou la mort, nous vaincrons.

Pascal SAWADOGO

Ingénieur – Cadre de banque

Courriel : pascalsawadogo@gmail.com

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Source: LeFaso.net