Dans le but de contribuer à assainir l’espace public numérique, le Conseil supérieur de la communication (CSC), en collaboration avec le Centre de Genève pour la gouvernance du secteur de la sécurité (DCAF), a organisé du 24 au 26 novembre 2025, à Koudougou, région de Nando (ex-Centre-Ouest), un atelier de formation sur les enjeux et l’usage des plateformes numériques en vue de lutter plus efficacement contre la désinformation et les discours de haine. Dr Cyriaque Paré, chercheur au CNRST et fondateur du journal en ligne Lefaso.net, a animé une communication sur le thème : « Lutte contre la désinformation et les discours de haine sur les plateformes numériques : responsabilité de l’instance de régulation et attentes citoyennes ». Pour lui, la lutte contre la désinformation et les discours de haine n’est ni une mission ponctuelle ni une responsabilité isolée. Elle est un chantier permanent, qui engage chaque citoyen.

Pendant environ deux heures de temps, Dr Cyriaque Paré, chercheur, fondateur de l’Institut supérieur de communication et du multimédia (ISCOM), s’est penché sur la responsabilité de l’instance de régulation, notamment le Conseil supérieur de la communication, et les attentes citoyennes dans le cadre de la lutte contre la désinformation et les discours de haine dans l’espace numérique. Il a passé également en revue les avantages et les inconvénients de la prolifération des plateformes numériques.

Dans son développement, il a rappelé que la montée en puissance des plateformes numériques a profondément transformé la circulation de l’information. À l’entendre, « ce nouvel environnement, dynamique et inclusif, a ouvert de formidables opportunités d’expression, mais il a également fait émerger des phénomènes préoccupants, à savoir la prolifération des fake news (fausses informations), les discours de haine, les campagnes de manipulation, les comptes anonymes et les contenus sensibles à large diffusion ». Ces défis, selon lui, fragilisent la cohésion sociale, menacent la stabilité et mettent à l’épreuve la confiance des citoyens envers les institutions comme envers les médias professionnels.

Les désordres de l’information…

Dr Paré s’est attardé notamment sur ce qu’il appelle « les désordres de l’information ». Les innovations technologiques ont également favorisé la prolifération de la manipulation de l’information et de la désinformation, aussi qualifiées de désordres de l’information. Ces désordres de l’information regroupent différentes formes de distorsion des faits, allant de la désinformation intentionnelle à la mésinformation accidentelle, des phénomènes tels que les fake news (fausses informations), la propagande et les théories du complot, qui ont tous des impacts négatifs sur la société.

Comme désordres de l’information, Dr Paré a cité notamment la manipulation de l’information qui est « un ensemble de techniques visant à orienter l’opinion publique en distordant, cachant ou amplifiant certaines informations. C’est donc un processus intentionnel visant à influencer les perceptions et les comportements des individus ou des groupes sociaux en altérant la réalité des faits. »

Ensuite, il y a la désinformation qui consiste, selon Dr Cyriaque Paré à la diffusion intentionnelle de fausses informations dans le but d’induire en erreur ou d’influencer un groupe ou une société. Elle consiste à fabriquer ou diffuser délibérément de fausses informations dans le but d’induire en erreur et de manipuler l’opinion publique. Il y a également la mésinformation, c’est-à-dire la transmission involontaire de fausses informations sans intention malveillante. « Contrairement donc à la désinformation, la propagation de fausses informations est ici involontaire. L’individu ou le média qui diffuse cette information pense qu’elle est vraie et ne cherche pas à tromper », a-t-il fait savoir.

Quant à la malinformation, elle désigne la diffusion d’informations vraies, mais utilisées de manière trompeuse, nuisible ou hors de leur contexte dans le but de causer du tort à une personne, un groupe ou une institution. « Contrairement à la désinformation (fausses informations intentionnellement diffusées) et à la mésinformation (fausses informations partagées sans intention de nuire), la malinformation repose sur des faits réels qui sont manipulés ou décontextualisés pour induire en erreur ou nuire à une réputation », a-t-il défini.

La non information est citée comme un désordre de l’information par le fondateur de Lefaso.net. Et elle consiste à propager des informations superflues et non pertinentes pour couvrir, cacher ou obscurcir des informations réelles, importantes pour le public. La non-information peut être aussi une stratégie de communication pour distraire l’opinion publique et détourner son attention d’un problème sérieux, à en croire Dr Paré.

Les fake news ou fausses nouvelles, également considérées comme un désordre de l’information par Dr Paré, désignent des informations volontairement erronées, souvent propagées à des fins politiques ou commerciales. On a aussi la propagande qui désigne toujours, selon Dr Paré, la diffusion d’informations (vraies ou fausses) de manière orientée pour influencer massivement l’opinion publique. Selon ses explications, elle vise à influencer la perception collective en favorisant un point de vue unique.

Enfin, on a comme désordres de l’information, selon Dr Cyriaque Paré, les théories du complot et les biais cognitifs. En ce qui concerne les théories du complot, il s’agit de manipulations basées sur la suspicion, des narrations alternatives qui expliquent un événement en impliquant un groupe caché qui tirerait les ficelles en secret. Les biais cognitifs quant à eux, sont des distorsions systématiques dans la manière dont le cerveau traite l’information et prend des décisions. « Ils sont souvent dus à des raccourcis mentaux que nous utilisons pour simplifier notre environnement complexe. Ces biais peuvent nous induire en erreur et affecter notre jugement de manière irrationnelle », clarifie Dr Paré.

Les attentes citoyennes de l’instance de régulation…

Dans ce contexte, Dr Cyriaque Paré soutient que la régulation joue un rôle central. « L’extension des compétences du Conseil supérieur de la communication (CSC), en novembre 2023, pour intégrer la régulation des réseaux sociaux, répond à cette nécessité d’adapter l’action publique aux mutations numériques. Cette évolution n’est pas seulement juridique, elle est stratégique, citoyenne et sociétale », précise-t-il.

Dr Cyriaque Paré a notamment égrené quelques attentes citoyennes vis-à-vis de l’instance de régulation de l’information et de la communication. Il s’agit de moderniser les outils et compétences en investissant dans des outils de veille automatisée, de maîtriser les plateformes et leurs logiques algorithmiques, de développer la capacité interne de fact-checking, de renforcer l’expertise juridique appliquée au numérique, de systématiser l’identification des profils anonymes et des réseaux de diffusion.

Les citoyens attendent également du CSC, selon Dr Paré, une régulation juste, proportionnée et conforme aux normes. Pour lui, la régulation numérique ne doit jamais être perçue comme une censure. « Elle doit être transparente à travers la limpidité des critères équitables, respectant la liberté d’expression, proportionnée, tenant compte du contexte de publication, protectrice, notamment de la cohésion sociale, des groupes vulnérables et de l’espace public démocratique », soutient-il.

L’instance de régulation doit aussi assurer une protection contre les contenus nuisibles. L’espace numérique doit être un espace de débat, et non de violence, selon Dr Paré. Et le CSC doit également assurer une régulation adaptée au contexte sécuritaire et social.

À en croire Dr Paré, la population burkinabè attend aussi du CSC qu’il agisse rapidement, efficacement, et avec discernement. « Être une instance exemplaire et pédagogique. Les citoyens ne veulent pas seulement un gendarme, mais une institution qui montre la voie : expliciter les règles, éduquer aux usages responsables, encourager les créateurs de contenus vertueux, travailler main dans la main avec les blogueurs, les médias professionnels et les leaders sociaux », a-t-il précisé.

Pour terminer, le Dr Cyriaque Paré a indiqué que la lutte contre la désinformation et les discours de haine n’est ni une mission ponctuelle ni une responsabilité isolée. Elle est, selon lui, un chantier permanent, qui engage l’État, les plateformes, les médias, les acteurs communautaires et chaque citoyen. Et le CSC, en tant qu’instance de régulation, porte une responsabilité majeure, celle de garantir un espace numérique sûr, équilibré et respectueux des valeurs démocratiques.

Mamadou Zongo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net