Alors que de nombreux citoyens peinent à obtenir des timbres fiscaux pour légaliser leurs documents, notamment à l’approche des concours, des inscriptions scolaires et universitaires, sans oublier les entreprises, Zième Léon Dabiré, contrôleur du Trésor à la Direction de l’administration monétaire et financière (DAMOF), lève le voile sur les origines de cette situation. Il revient sur les défis du système numérique, les spéculations illégales, et propose quelques pistes pour sortir de l’impasse. « Le vrai problème, ce sont les intermédiaires », dénonce monsieur Dabiré. Pour lui, l’État devrait mettre fin à ces ventes parallèles et réserver la vente des timbres exclusivement aux services habilités comme les impôts, le Trésor, la mairie, la justice ou la police.
Lefaso.net : Récemment, une circulaire relative à l’autorisation d’acquittement du droit de timbre sur état lié aux marchés publics soumis à l’enregistrement a été publiée. Est-ce une nouvelle disposition ?
Zième Léon Dabiré : Certains pensent que cette mesure vient corriger les insuffisances du timbre fiscal numérique, mais je ne dirais pas cela. Cette mesure existe depuis longtemps. Lors de la signature d’un contrat, on colle un timbre de 500 francs sur chaque page du document. Cela existait bien avant l’introduction du timbre numérique. À l’époque, les timbres étaient disponibles, donc cela ne posait pas de problème. Aujourd’hui, ils sont plus rares, ce qui a rendu la procédure plus visible et problématique.
Qu’est-ce que le e-timbre a changé concrètement ?
Avec l’avènement de e-timbre, on peut payer les timbres depuis un téléphone, les imprimer, et les coller soi-même. Le système repose sur un numéro unique qui est utilisé pour valider les documents. Dans certains lieux, ce numéro est suffisant pour effectuer une légalisation, sans timbre physique sur le document. Cela concerne notamment les légalisations à 200 francs. Il est donc possible d’étendre cette pratique aux timbres de 500 francs. Les services des impôts pourraient enregistrer les références des timbres numériques achetés sur le contrat.
Mais des cas de timbres rejetés, car « déjà utilisés », ont été signalés. Qu’en pensez-vous ?
Il peut y avoir plusieurs explications. Certaines personnes réutilisent volontairement un timbre déjà utilisé, pensant passer inaperçues. Il y a en effet dans ce pays des gens qui aiment la facilité, croyant que comme c’est simplement des numéros, cela passera comme une lettre à la poste. D’autres cas relèvent d’un manque d’équipement ou de réseau pour authentifier les timbres dans certains services.
Quand il n’y a pas de réseau, il est difficile de vérifier l’authenticité du timbre, ce qui complique les procédures. Dans ces cas, les agents peuvent orienter les usagers vers un autre poste équipé pour l’achat des timbres. On doit donc reconnaître qu’il y a à la fois des tentatives de fraude et des défaillances techniques.
Diriez-vous que le e-timbre est une mesure efficace à ce stade ?
Concernant l’efficacité du e-timbre, je dirais qu’il ne répond pas encore totalement aux attentes. Toute nouvelle mesure nécessite une période de sensibilisation pour permettre à la population de s’en approprier. Dans un pays avec un fort taux d’analphabétisme, beaucoup de citoyens ne comprennent pas ou n’utilisent pas correctement ce système.
Vous parlez également de spéculation sur les timbres physiques. Que se passe-t-il exactement ?
Les timbres physiques, aujourd’hui, se retrouvent entre les mains de certains revendeurs qui créent la rareté pour les revendre plus chers, parfois à 350 francs au lieu de 200 francs CFA. C’est une spéculation qui pénalise les citoyens. L’État devrait mettre fin à ces ventes parallèles et réserver la vente des timbres exclusivement aux services habilités comme les impôts, le Trésor, la mairie, la justice ou la police.
Aujourd’hui, de nombreuses personnes en souffrent. J’ai un ami dont l’enfant a eu le bac et devait légaliser des documents pour s’inscrire à l’université. Faute de timbres, je lui ai conseillé d’aller directement à la mairie.. À l’issue des examens de fin d’année, de nombreuses familles sont confrontées à la difficulté d’obtention des timbres pour légaliser les dossiers.
Pensez-vous que d’autres alternatives pourraient résoudre cette crise ?
Pourquoi ne pas homologuer l’usage des timbres communaux comme solution temporaire ? Cela permettrait de désengorger le système, avec une répartition des recettes entre les communes et le budget de l’État. C’est une piste à explorer. Il revient donc à l’État d’examiner cette possibilité. C’est mon point de vue.
Des informations font état de faux timbres en circulation. En avez-vous connaissance ?
Honnêtement, je viens de l’apprendre avec vous. Je n’ai jamais entendu parler de cela. Mais s’il en existe, il faut d’abord savoir s’il s’agit de timbres physiques ou de timbres numériques. Si ce sont les timbres numériques (e-timbres), cela signifie qu’il faut revoir l’application. Si c’est le cas, il faudrait examiner la situation avec le concepteur de l’application. Il pourrait y avoir des failles techniques. En revanche, si les faux timbres sont physiques, cela relèverait d’une production illégale, externe à l’État. Il serait alors nécessaire de lancer une mission d’enquête nationale afin d’identifier leur provenance.

Quel message souhaitez-vous adresser en conclusion ?
Pour conclure, je dirais qu’avant d’imposer une application, il faut une éducation de base suffisante pour permettre à la population de se l’approprier. Actuellement, dans certaines zones rurales, il n’y a même pas de réseau. Les gens doivent parfois parcourir des kilomètres pour accéder à un centre de légalisation. Et une fois sur place, il n’y a pas de timbres physiques. On leur demande de se connecter pour payer un timbre, alors qu’ils n’ont ni réseau, ni connaissances techniques. C’est une vraie difficulté.
L’État doit revoir sa politique pour adapter le système à la réalité de la population. Soit on revient à une production massive de timbres physiques pour répondre à la demande, soit on améliore l’accès et l’usage du système numérique. Les timbres physiques existent toujours, donc on peut les utiliser en parallèle. Mais surtout, il faut en finir avec les pratiques d’intermédiaires qui s’accaparent les stocks et créent une pénurie artificielle pour vendre plus cher. Cela pénalise lourdement la population.
Il faut que l’État prenne ses responsabilités pour supprimer les ventes illégales et faire en sorte que les timbres ne soient distribués que dans les services fiscaux, les impôts, les trésoreries et les services légalement habilités comme la mairie, la police ou la justice. Pas dans les mains des démarcheurs ou des revendeurs à la sauvette.
Interview réalisée par Hamed Nanéma
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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