Le Pr Mamadou Lamine Sanogo est enseignant-chercheur, directeur de recherche en sociolinguistique à l’Institut des sciences des sociétés (INSS), l’un des quatre instituts du Centre national de recherche scientifique et technologique (CNRST) du Burkina Faso. Au-delà de ses attributions académiques, il est également conseiller spécial du président de la Communauté musulmane du Burkina Faso (CMBF). A cet effet, l’ouvrage intitulé « La Communauté Musulmane du Burkina Faso », est la dernière parution littéraire du Pr Mamadou Lamine Sanogo. Cet ouvrage plonge au cœur de la CMBF, dévoilant son parcours historique, depuis ses origines et retraçant son institutionnalisation progressive, entre autres. Dans cet entretien accordé à Lefaso.net, le Pr Sanogo revient sur le contenu de son livre, les objectifs et les thèmes abordés. Il s’est également attardé sur les actions de la CMBF en faveur de la société burkinabè de façon générale. Dans sa volonté de contribuer au renforcement de la cohésion sociale, il n’a pas manqué de prodiguer des conseils pour contrer les discours de haine et l’extrémisme violent où l’islam qu’il qualifie de religion de paix et d’amour du prochain y est malheureusement souvent confondu. Entretien !

Lefaso.net : Bonjour Professeur, Pouvez-vous vous présenter à nos internautes ?

Pr Sanogo : Je suis le professeur Mamadou Lamine Sanogo, je suis directeur de recherche en sociolinguistique. Je suis également conseiller spécial du président de la Communauté musulmane du Burkina Faso.

En parlant de la communauté musulmane du Burkina Faso, vous avez écrit un ouvrage là-dessus. Pourquoi avoir choisi d’écrire un ouvrage sur cette communauté ?

En fait, disons que, pour ce qui est de l’ensemble des musulmans du Burkina, il y a une multitude d’associations. Alors, la multitude d’associations fait que les gens se posent des questions, qu’est-ce qu’est la FAIB (Fédération des associations islamiques du Burkina), qu’est-ce qu’est le Mouvement sunnite, qu’est-ce qu’est le CERFI (Cercle d’études, de recherches et de formation islamiques), qu’est-ce qu’est l’AEEMB (Association des élèves et étudiants musulmans du Burkina) et qu’est-ce qu’est la communauté musulmane ?

Donc, à un certain moment, nous avons jugé utile, parce que quand vous regardez l’univers littéraire de notre pays, il y a très peu de documents à la portée du grand public, capables de vous expliquer c’est quoi la communauté musulmane. Donc, nous avons pensé qu’il était utile de faire un document, pas très scientifique comme ce que nous avons l’habitude de faire, mais il s’agissait de faire un document pour que tous ceux qui s’intéressent à la communauté musulmane, puissent le lire à l’aise et comprendre vraiment c’est quoi ce mouvement.

Pouvez-vous revenir sur les différents sujets ou thèmes abordés ?

En fait, comme je vous l’ai dit, l’objectif général, c’est vraiment de présenter la communauté musulmane qui est le mouvement associatif le plus ancien des organisations musulmanes du pays. Et nous avons fait son historique, comment est-ce qu’elle est née. Des préalables jusqu’à la fusion des mouvements qui étaient à la base, et ensuite les mouvements qui sont partis de la communauté musulmane et les tentatives de la communauté musulmane pour regrouper encore les musulmans. Donc, c’est-à-dire qu’il y a quand même une vision au niveau de cette association. C’est la vision de rassembler vraiment l’ensemble des membres de la communauté et faire en sorte que vraiment les musulmans puissent parler d’une seule voix. Quand bien même les gens ont tendance à créer leurs mouvements, la communauté musulmane a toujours été au centre avec la volonté de rassembler tout le monde.

Pourquoi les lecteurs doivent-ils lire votre livre ?

Les lecteurs doivent lire le livre pour savoir c’est quoi la communauté musulmane. Vous, par exemple, en tant qu’organe de presse, vous devriez savoir désormais quand vous parlez de communauté musulmane, de quoi il s’agit. Parce que, de façon générale, dès qu’on dit communauté musulmane, les gens voient l’ensemble des musulmans. Ce qui est vrai. Mais actuellement, il y a une association qu’on appelle communauté musulmane qui, par la force des choses, est quand même le plus grand mouvement aussi, la plus grande association, puisque les autres sont parties de là, mais qui lutte aussi pour pouvoir toujours maintenir les liens avec les autres associations. Donc je crois qu’il est intéressant de savoir c’est quoi la communauté musulmane en tant que mouvement associatif, en tant que communauté de vie aussi au sein de la société burkinabè.

Donc, doit-on comprendre que le livre parle de l’association ‘’la Communauté musulmane de Burkina » et non de tous les musulmans du Burkina Faso de façon générale ?

Disons qu’on est obligé d’aborder les sujets de tous les musulmans du Burkina Faso, parce que, comme vous le savez, c’est la toute première association qui a été créée dans la volonté de réunir tous les musulmans. Alors, disons que les autres mouvements et associations sont partis de ça. Donc, le livre explique en quelque sorte comment les autres mouvements sont nés à partir de la communauté musulmane et ont fini par se détacher. Le livre parle aussi de l’ensemble des musulmans et non seulement de l’association ‘’la Communauté musulmane du Burkina Faso ».

Et est-ce que le livre aborde des sujets comme les actions que mène la communauté musulmane au profit de la société ?

Tout à fait. Nous ne nous sommes pas contentés d’expliquer l’émergence de la communauté, nous avons pensé qu’il était important d’expliquer la vision de la communauté musulmane, les valeurs que la communauté musulmane véhicule actuellement, et surtout ses ambitions. Ses ambitions d’être vraiment un mouvement associatif, confessionnel certes, mais qui compte dans l’univers des associations du Burkina, et aussi bien en termes de vision de construction de la nation que de conscientisation des fidèles musulmans.

Donc à ce titre, nous abordons par exemple les projets phares comme ceux relatifs à la santé que la communauté musulmane aspire faire, à savoir un hôpital de référence. Il y a également une université dont la première pierre a déjà été posée, l’Université privée d’Afrique, qui est une grande initiative, qui sera une université laïque certes, mais qui va véhiculer les valeurs musulmanes comme on peut s’y attendre.

En début juillet 2025, la FAIB a remis au gouvernement un projet de discours alternatif afin de lutter contre les discours de haine. Quel est votre avis ?

Oui, il faut dire que l’islam c’est une religion de paix. A ce titre, les musulmans doivent lutter contre tout ce qui est tendance à la division, tout ce qui est tendance à véhiculer la haine et à créer la zizanie dans le pays. Donc, c’est un engagement fort que les musulmans, de façon générale, ont tenu à faire. Je crois que là vous parlez vraiment de la communauté en tant que l’ensemble des musulmans du Burkina Faso, et c’est un geste à saluer. Je crois que les autres religions sont tout à fait d’accord avec nous qu’on ne peut pas construire un pays dans la division. Donc, il faut respecter les autres, il faut s’abstenir de véhiculer des discours de haine et il faut s’abstenir également de dénigrer les autres religions. C’est en partant de ça qu’on va pouvoir construire un Burkina Faso fort.

Vous êtes également le conseiller spécial du président de la Communauté musulmane du Burkina Faso. Et cela fait 10 ans que le pays fait face au terrorisme, où certains extrémistes prétendent combattre au nom de l’islam. Dans ce contexte, selon vous, que peut faire la communauté musulmane pour éviter cette confusion qui entache l’image de l’islam ?

Je crois que la première chose que la communauté musulmane doit faire, c’est de travailler à lever toute ambiguïté et à faire en sorte qu’il n’y ait pas de confusion entre terrorisme et islam. Je ne pense d’ailleurs pas que ce soit lié. C’est vrai qu’il y a des gens qui prétendent au nom de l’islam, véhiculer certaines valeurs et l’imposer d’ailleurs aux autres. Comme vous le savez, ça, ce n’est pas la vision de la communauté musulmane. L’islam, c’est une religion de paix, c’est une religion d’amour du prochain.

En islam, on ne peut pas saigner l’autre. Il n’y a pas à forcer l’autre à vous suivre. Donc, il faut que d’abord la communauté musulmane travaille à lever cette ambiguïté, à montrer que ce ne sont pas des actes musulmans. Ça ne peut pas être lié à la foi religieuse. Donc, ça ne peut pas être que des actes d’extrémisme, à bannir complètement. En tout cas, s’il y a des jeunes qui veulent le faire au nom de l’islam, il faut qu’ils soient sensibilisés, informés, l’islam n’accepte pas ces pratiques.

Nous allons revenir sur votre livre. Comment peut-on accéder au livre ?

En principe, c’est l’éditeur qui est chargé de la distribution du livre. Moi, je ne suis que l’auteur. Donc, très humblement, c’est l’éditeur qui fixe les prix, qui distribue. Donc, je crois qu’on peut le trouver dans certaines librairies de la place. Et pour le moment, il me revient qu’il y avait une petite rupture. Mais je crois que ça va être réglé, parce que c’est disponible actuellement à Mercury qui est la librairie de l’éditeur lui-même. Et je crois qu’il va y en avoir ailleurs également.

Le livre est accessible au prix unitaire de 5 000 FCFA. Ce n’est pas très cher, parce que quand vous regardez les prix des livres au Burkina Faso, en tout cas, nous, on a lutté pour que ce soit un document de vulgarisation à la portée du grand public. Donc, en discussion avec l’éditeur, je lui ai dit de faire en sorte que le livre soit accessible. Je ne pense pas que 5 000 FCFA soit trop cher.

Avez-vous un message particulier ?

Le message particulier que j’ai à lancer à la suite de ce livre, c’est d’appeler tous les intellectuels musulmans à ne pas se contenter uniquement des wazous (prêches), que de causeries, des conférences. Il faut surtout capitaliser la connaissance, instaurer une culture de la mémoire et du partage de connaissance. Et c’est dans cette voie qu’on construit une société solide dans la durée. Donc, c’est l’appel à tous les intellectuels musulmans, aux intellectuels burkinabè de façon générale : Ecrivons, écrivons, écrivons toujours. Merci.

Mamadou ZONGO

Lefaso.net

Source: LeFaso.net