Depuis l’apparition au Burkina des premiers cas de Covid-19, le 9 mars 2020, les esprits sont préoccupés par la lutte que le pays engage contre cette épidémie qui sévit dans le monde et pourrait rebattre les cartes géo-politiques. C’est sur cette actualité brûlante que le secrétaire exécutif du Mouvement du Peuple pour le Progrès, Lassané Savadogo s’est prêté à nos questions à travers cet entretien auquel, il est également revenu sur le bilan du 3ème Congrès ordinaire de son parti.

Lefaso.net : Comment vivez-vous ces moments de covid-19 dans notre pays ?

Lassané Savadogo : Tout en faisant preuve de sérénité, de confiance en la capacité de résilience de notre peuple, au président du Faso et au gouvernement dans le cadre des mesures prises pour contrer ce phénomène, nous devons savoir que le combat est d’abord d’ordre individuel.

La meilleure manière de nous protéger du covid-19, ce sont les mesures que nous allons prendre sur le plan personnel. Sans la bonne volonté de tous, quelle que soit la décision qui sera prise au niveau national, il y aura toujours une difficulté pour contrer l’avancée de cette pandémie. Jusqu’à présent dans certains milieux, il y en a qui tiennent des discours fantaisistes sur la maladie. On dit que c’est un vulgaire rhume, une maladie qui ne peut rien nous faire. On dit que le covid-19 ne résiste pas à la chaleur et ne peut pas prospérer dans notre pays.

D’autres avancent également que nous sommes immunisés, parce qu’avec l’harmattan, nous avons été confrontés à tant de virus ; si bien que notre système immunitaire varie pour faire face à ce virus. Ce n’est que du mensonge. Il faut appeler les choses par leur nom, personne ne maîtrise ce virus, personne ne peut savoir comment il peut se développer dans un pays comme le nôtre. Personne ne peut savoir à l’avance les dégâts qu’il peut causer au niveau de notre société. Donc, nous devons faire preuve de prudence, de précaution.

Nous devons prendre toutes les dispositions pour éviter la propagation de la maladie dans notre pays. C’est ça notre première préoccupation. Certes, il y a la prise en charge de la maladie, mais le plus important dans le contexte actuel, c’est prévenir, c’est éviter que la maladie ne se propage. Si cela arrive, ça serait très mauvais pour nous. Vous voyez ce qui s’est passé en Chine, ce qui se passe en Italie, en Espagne, en France ! Nous ne sommes pas différents des autres pays. Et pire, sous certains aspects, nous sommes sous-équipés par rapport à ces pays.

Nous pouvons faire autant qu’eux, nous pouvons faire mieux qu’eux sur un plan personnel, sur un plan individuel. Ce que le gouvernement va prendre comme mesures, viennent comme dispositifs d’accompagnement. C’est chacun à son niveau qui doit prendre ses responsabilités, chaque communauté doit prendre ses responsabilités.

De mon expérience du service militaire, il est dit que lorsqu’un élément de la compagnie commet une faute, c’est toute la compagnie que l’on sanctionne. Il en est de même du coronavirus. Si dans votre groupe, il y a un seul qui a un comportement à risques, il faut que les uns et les autres prennent des dispositions pour l’amener à la raison et à la responsabilité. S’il contracte le virus, il va le partager tout autour de lui. Il ne s’agit pas uniquement de protéger la vie d’un membre du groupe, il s’agit également de protéger les membres qui composent le groupe.

Donc, votre responsabilité n’est pas personnelle ; parce que les conséquences ne sont pas personnelles. Si vous contractez le virus, vous allez contaminer d’autres personnes. A la limite, on ne vous donnera pas le droit de risquer votre santé, de risquer votre vie parce qu’elle compte. Elle doit être utilisée pour le développement du pays et non pour se détruire, encore moins porter atteinte à la santé et à la vie des autres.

Donc, si on fait appel à cet esprit de responsabilité, nous savons ce que nous devons faire et ne devons pas faire. Ne prenons pas nos mains pour attraper des serpents, même si on vous dit que le serpent n’est pas venimeux, ne prenez pas ce risque. C’est prouvé aujourd’hui que le virus est nocif, extrêmement dangereux pour la santé humaine, qu’il cause la mort de plusieurs personnes.

C’est un danger réel, donc il faut qu’on prenne la mesure de ce danger et des dispositions pour nous en prémunir. Certains disent qu’on doit prier, mais Dieu nous a donné l’intelligence pour nous protéger nous-mêmes. Et nous devons travailler à éviter la propagation de la maladie. Et la prière pourra compléter les mesures que nous avons prises sur le plan individuel, communautaire, national et même international.

Lefaso.net : Pensez-vous que le gouvernement a pris les bonnes décisions pour prévenir et circonscrire l’épidémie ?

Lassané Savadogo : Le Chef d’Etat est intervenu et a annoncé une panoplie de mesures, notamment l’instauration d’un couvre-feu au niveau national. Au Sénégal et en Côte d’ Ivoire, les présidents Macky Sall et Alassane Ouattara lui ont emboîté le pas pour annoncer une série de mesures, dont l’instauration d’un couvre-feu. Donc, cela montre bien que nous sommes dans la bonne direction.

Après son message, et conformément aux orientations qui ont été données, d’autres mesures ont été annoncées, dont la fermeture des marchés et yaars. On cite également, le confinement des villes à travers la fermeture des gares routières évitant ainsi une expansion géographique de la maladie. Je pense que les mesures sont fonction de l’évolution de la pandémie.

Si la pandémie continue à se développer comme c’est le cas actuellement, on sera obligé graduellement de prendre d’autres mesures, de nature à la réduire et l’éradiquer. On est toujours dans cette dynamique, les mesures actuelles sont celles qu’appelait l’évolution de la pandémie. Si elles permettent de réduire la pandémie, on peut se limiter à ces dispositions. Mais si malgré cela, la pandémie n’est pas gérée, on verra quelles sont les autres mesures à prendre pour le faire. C’est cette analyse que j’ai par rapport à cette question.

Lefaso.net : Quelle pourrait être l’incidence de cette pandémie sur notre société et notre économie ?

Lassané Savadogo : Ça dépendra de l’évolution, voilà pourquoi je dis qu’il faut tout mettre en œuvre pour arrêter cette courbe. Si on ne l’arrête pas, les conséquences seront désastreuses. Ce n’est pas uniquement sur le plan sanitaire, mais également sur d’autres plans.

Sur le plan politique, on peut difficilement imaginer d’organiser des élections dans un contexte de covid-19. Vous avez vu ce qui s’est passé en France avec les élections municipales où le taux de participation était très faible. Le second tour qui était prévu n’a pas pu se tenir. Nous, nous avons un processus électoral en 2020, nous nous devons de tout mettre en œuvre pour que les échéances soient respectées. Mais cela suppose que nous mettions en place un dispositif qui nous permette de mettre un terme à la pandémie le plus rapidement possible.

Sur le plan économique, vous imaginez les conséquences, si on dit que les gares routières sont fermées. Cela veut dire que les véhicules de transport sont immobilisés ; ce sont des travailleurs salariés qui faisaient vivre leurs familles qui encaissent le coup. Si c’est sur une durée limitée, ça peut aller. Mais si la mesure est appliquée sur plusieurs mois, vous imaginez les dégâts sociaux que cela va présenter ?

Il y a également l’accès aux produits de consommation, il faut qu’on tienne compte de tout cela. Si on ne prend pas de mesures, on peut être confronté à un problème de ravitaillement, non pas seulement pour les produits qui viennent de l’extérieur, mais aussi ceux qui viennent de notre pays ; puisqu’il faut également assurer leur transport du lieu de production aux lieux de consommation que sont les grandes villes. Il y a tout un ensemble de choses sur le plan économique.

Sur le plan social, il y a également des conséquences ; parce que cela peut avoir des effets sur notre vivre-ensemble, notamment des changements de comportements dont il faut tenir compte dans un sens positif comme dans un sens négatif. C’est pourquoi, il faut évaluer l’ensemble des répercussions négatives que cette pandémie va avoir sur l’ensemble de notre société et voir quelles sont les mesures préventives qu’il faut prendre. Au niveau du parti, nous avons créé un comité qui est chargé de faire des réflexions sur ce problème et de nous faire des propositions qui pourront par la suite être partagées avec le gouvernement.

Lassané Sawadogo , secrétaire général du MPP

Lefaso.net : Le MPP a tenu son 3ème Congrès ordinaire, il y a quelques semaines ; quels sont les enseignements que vous en retenez ?

Lassané Savadogo : Nous avons été bien avertis, en tenant notre Congrès ordinaire et statutaire, les 6 et 7 mars 2020 ; parce que si nous ne l’avions pas fait à cette date, nous aurions eu des difficultés avec la pandémie du coronavirus qui se propage dans notre pays.

Pour revenir au Congrès lui-même, je pense que c’est un Congrès de régularisation, pour être en phase avec nos textes et respecter les textes de la République. Sinon, dans le fond, pour nous, ce n’était pas la période indiquée pour aller à un congrès. En principe, aller à un congrès ordinaire est sanctionné par le renouvellement de nos structures. Comme vous le savez, nous sommes à quelques encablures des élections couplées de 2020, ce n’est pas le moment de déstabiliser nos structures, on doit plutôt les renforcer, les amener à travailler dans un esprit de continuité pour aborder ces élections dans une sérénité maximale.

Il fallait donc tenir ces assises sans tirer nécessairement les conséquences d’un congrès ordinaire. C’est pourquoi, nous avons limité le champ de ce congrès ordinaire. C’est juste pour régulariser la situation du Bureau exécutif national, car depuis la disparition du président Salifou Diallo, le parti était dirigé par un président par intérim. Donc, on a souhaité que cette situation soit régularisée. Il y a également un autre membre du Bureau exécutif national qui a été nommé à des fonctions incompatibles.

Il s’agit de Yarga Larba, devenu membre du Conseil constitutionnel. Il fallait procéder à son remplacement ; ce qui a été fait. Cela a, bien entendu, des effets induits sur nos statuts et règlement intérieur. Nous avons procédé à la correction de ces deux textes, compte-tenu des ajustements qui ont été opérés. Sinon, pour le reste, ce Congrès n’a pas donné lieu à d’autres types de changements dans le cadre de la gestion et de la vie de notre parti.

Lefaso.net : Peut-on parler de succès au sortir de ce congrès ?

Lassané Savadogo : Naturellement ! Des esprits mal intentionnés pensaient que ce congrès pouvait déboucher sur une fracture au niveau de notre parti. Ils pensaient qu’il y avait des clivages au niveau du parti, que notre unité était entachée et que l’on s’entre-déchirerait pour le contrôle de la direction du parti. Mais au vu des conclusions auxquelles ce congrès ordinaire a abouties, on peut dire que nous avons un parti mature, un parti responsable et des militants soucieux de son renforcement, de son rayonnement. Nous sommes sortis plus forts de ce congrès pour peser sur l’échiquier politique national.

Lefaso.net : Les dissensions nées du renouvellement des organes locaux relèvent-elles du passé, après ce congrès ordinaire ?

Lassané Savadogo : Nous ne l’avons pas abordé ; parce le dossier des contentieux liés au renouvellement des organes du parti a connu un traitement avant le congrès. Depuis le processus de renouvellement des structures du parti, nous appréhendions des difficultés et pour cela, nous avons mis en place un dispositif de prévention et de gestion de ces difficultés. Au fur et à mesure qu’elles apparaissaient, des initiatives étaient développées pour trouver des solutions.

Tant et si bien qu’avant le congrès ordinaire, nous avons pu tenir la totalité de nos rencontres provinciales. Il y avait également des difficultés que l’on rencontrait au niveau du bureau national des jeunes et au niveau également de certains organes déconcentrés du bureau national des jeunes.

Nous avons développé des initiatives nécessaires pour trouver des réponses à l’ensemble de ces questions. Je peux dire vraiment que les efforts que nous avons eu à faire, ont permis de ramener la sérénité dans nos rangs et de circonscrire nos divergences dans un esprit militant et dans le respect de nos textes fondamentaux.


Situation nationale : « Il faut engager un dialogue franc, ouvert et responsable, à tous les niveaux » (Lassané Savadogo, secrétaire exécutif du MPP)


Lefaso.net : A quand maintenant la confection des listes pour les législatives et quelle sera la procédure à suivre ?

Lassané Savadogo : Pour le moment, je ne peux vous avancer aucune date. Nous savons que la date des élections est prévue pour le 22 novembre 2020 et la date de dépôt des listes est fixée par la loi. Donc, nous devons prendre les dispositions pour être prêts au moment où la loi nous demandera de déposer nos listes. Nous avons encore une marge de temps et nous allons préparer nos listes dans le respect des textes de la République.

Nous allons également mettre un dispositif à notre niveau pour les candidatures et pour la composition de nos listes. Il y a un document portant sur la stratégie qui a été adoptée. Ce document a été présenté au congrès, qui l’a adopté. Ce document de stratégie donne les grandes lignes, les grandes orientations de ce que sera notre stratégie de campagne.

Pour le choix de nos candidats aux élections législatives, nous allons combiner les principes de la démocratie et du centralisme. La démocratie, c’est l’association de la base militante au choix des candidats, le centralisme, parce que la décision finale des listes de candidatures sera assurée par la direction politique nationale du parti. Ce sont les modalités pratiques. Elles feront l’objet d’une directive que nous sommes en train de mettre en place. Elle sera portée à la connaissance du Bureau politique national qui doit l’adopter et plus tard, la communiquer aux militants du parti.

Pour ce qui concerne l’élection présidentielle, nous aurons un candidat naturellement, et un congrès extraordinaire va l’investir. Nous n’avons pas arrêté la date de ce congrès, nous savons que la loi organise les délais pour le dépôt de candidatures à l’élection présidentielle. Nous veillerons à nous conformer à ce délai prescrit par la loi.

Il faut dire que dire qu’à l’heure actuelle, compte-tenu de la crise sanitaire du coronavirus, toutes nos énergies, notre attention, doivent être consacrées à la lutte contre cette pandémie qui menace même l’existence de notre nation. Vous savez que l’on était confronté aux problèmes sécuritaires.

Des initiatives se développaient pour contenir ce phénomène afin de nous permettre d’organiser des élections apaisées, transparentes, non contestables. Maintenant, il y a un autre problème qui vient de s’ajouter, c’est la pandémie du covid-19. Nous devons tout faire pour l’éradiquer afin de nous ouvrir les horizons pour la tenue à bonne date des élections du 22 novembre 2020.

Entretien réalisé par J.E.Z

Lefaso.net

Source: LeFaso.net